1.
Cher ami, adieu, je resté
* reste [em.]
dans les chaines,
Au chagrin en proie dans un étroit cachot,
Où, en croupissant, vie de chien je mène,
* mene [em.]
Implorant la mort de mʼ en tirer bientôt.
Vous, la liberté, tendant ses mains propices,
Vient régénérer et rendre à lʼ essor;
Souvenez-vous donc de moi, quand les délices
De la société vous gouterez dehors.
Souvenez-vous que je reste dans les chaines,
Au chagrin en proie dans un étroit cachot.
2.
Vous mʼ avez souvent dans mon malheur extrême
Soulagé, nourri, soigné, entretenu;
Votre complaisance étoit toujours la même,
Du premier moment que Vous mʼ avez connu;
Mais vos attentions de jour en jour sʼ accrurent,
Et lʼ honnêteté toujours se raffina;
Délicieux moments da ma cellule furent,
Ceux que mon ami avec moi partagea.
Lui, qui mʼ a souvent dans mon malheur extrêmé
* extrême [em.]
Soulagé, nourri, soigné, entretenu.
3.
Desormais mon sort de tout son poids terrible
Mʼ accabler viendra, quand de lʼobscurité
Lʼ éternel reflux, de tout objet visible,
Sur le soir, mʼ aura journellemet privé.
Délaissé, comment braver l ʼaffreux martire
Des tenébres
* tenebres [em.]
, sans lʼ appui de mon ami?
Les douleurs, qui trop souvent mon coeur déchirent,
Seviront plus fort quand je serai sans lui,
Et mon sort fatal de tout son poids terrible
Mʼ accabler viendra, pendant lʼobscurité.
4.
Que lʼ éloignement le souvenir nʼ efface,
Et que le départ ne soit un abandon!
Dans vos soins pour moi, pensez, changeant de place
À leur tour changer, le génre et la façon;
Et si mes tourments, quand vous aurez lʼ enceinte
Du dongeon franchi, viendront à sʼ augmenter,
Augmentez aussi, ami, la tendre crainte,
De me voir à ma misère succomber.
Que lʼ éloignement le souvenir nʼ efface,
Et que le départ ne soit un abandon!